Directives européenne

Actualisation : juin 2013

La vente de cosmétiques testés sur les animaux interdite dans l’UE

Lundi 11 mars 2013 – L’interdiction de tester des cosmétiques sur les animaux est enfin entrée en vigueur dans toute l’Union Européenne. Plus aucun cosmétique ne pourra être vendu au sein de l’UE si le produit fini ou ses ingrédients ont fait l’objet de tests sur des animaux, quel que soit le pays où ces tests ont été exécutés. Du moins en théorie. Car qu’en sera-t-il réellement ?

Panique à bord

Qui croyait réellement à cette interdiction ? Depuis le temps que les industries cosmétiques faisaient des pieds et des mains pour repousser l’interdiction d’au minimum dix ans, la plupart parmi nous s’attendait à voir sortir d’un chapeau un amendement de dernière minute pour satisfaire leurs revendications. Pour une fois, rien de tout cela. Etonnamment, les animaux ne passeront pas une fois encore après les intérêts des lobbies industriels.

Ces derniers mois, plusieurs parlementaires européens ne cachaient pas leur lassitude et semblaient favorables à l’idée de boucler une fois pour toute ce sujet, afin qu’on les laisse tranquille avec un thème aussi mineur. On dit aussi que le Commissaire européen Tonio Borg, en charge de ce dossier, aurait décidé de maintenir l’interdiction suite aux pressions agressives et incessantes des milieux cosmétiques à son encontre.

Manque d’engagement de la Commission européenne

Mise sous pression à son tour, la Commission a bien dû trouver une porte de sortie pour les industriels. C’est le 11 mars 2013, jour de l’entrée en vigueur de l’interdiction, qu’elle tente d’ouvrir la voie à toutes sortes d’exceptions par voie de communiqués à l’attention du Parlement européen et du Conseil de l’Union européenne.
Pour faire bonne figure, la Commission rappelle en préambule que c’est parce que les industries cosmétiques ont dû faire face à une possible interdiction, qu’elles ont développé des moyens pour remplacer les animaux dans plusieurs procédures de tests. Elle poursuit, lucide : « Toute modification de l’interdiction de mise sur le marché de 2013 pourrait sérieusement entamer la résolution des parties concernées de mettre rapidement au point d’autres méthodes d’essai. »
« Les retombées s’étendent au-delà du secteur des produits cosmétiques: l’objectif est d’élaborer des stratégies permettant de disposer d’outils plus performants, plus prédictifs, plus rapides et aussi moins coûteux pour évaluer l’innocuité des substances chimiques pour les consommateurs. Exploiter pleinement les possibilités offertes par les méthodes de substitution à l’expérimentation animale sera une entreprise ambitieuse qui exigera un changement de mentalité de tous les intervenants. »

Après ces déclarations pleines de bon sens, place à la résolution du problème : « Actuellement, il n’existe pas de jurisprudence à la Cour de justice de l’Union européenne concernant la manière d’interpréter le champ d’application de l’interdiction de mise sur le marché de 2013. La Commission rappelle que la Cour est la seule instance habilitée à donner une interprétation légalement contraignante du droit de l’Union. La Commission surveillera, sous le contrôle de la Cour, l’application de l’interdiction de mise sur le marché de 2013. La Commission se fondera, pour ce faire, sur l’interprétation qu’elle donne actuellement de la portée de l’interdiction (…) Dans la pratique, l’application de l’interdiction de mise sur le marché continuera de dépendre d’une décision que l’autorité compétente de l’État membre concerné prendra au cas par cas (…)
La majorité des ingrédients utilisés dans les produits cosmétiques sont des ingrédients qui sont également utilisés dans de nombreux autres produits de consommation et produits industriels, tels les produits pharmaceutiques, les détergents et les denrées alimentaires, et l’expérimentation animale peut se révéler nécessaire pour garantir la conformité de ces produits avec le cadre légal qui leur est applicable. En général, les ingrédients utilisés dans les produits cosmétiques sont également soumis aux dispositions horizontales du règlement REACH et il se peut qu’il soit nécessaire d’avoir recours à l’expérimentation animale pour compléter les dossiers, s’il n’existe aucune autre solution. Il revient donc aux États membres d’apprécier et de décider si l’expérimentation animale effectuée au titre d’autres législations doit être considérée comme relevant de l’interdiction de mise sur le marché de 2013. (…)
La Commission estime que l’expérimentation animale clairement motivée par le respect de législations ne s’appliquant pas aux produits cosmétiques ne devrait pas être considérée comme ayant été effectuée «afin de satisfaire aux exigences du présent règlement ». Les données résultant d’essais sur des animaux effectués dans ce contexte ne devraient pas entraîner l’interdiction de mise sur le marché des produits cosmétiques concernés et elles devraient dès lors pouvoir servir à l’évaluation de la sécurité de ces produits. (…) »

Une interdiction vidée de son sens ?

La Commission peut bien vouloir prendre ses rêves pour des réalités, son pouvoir dans ce domaine reste assez limité. Mais elle rappelle un fait incontestable, le règlement cosmétique permet une lecture large de ses dispositions. Et sans jurisprudence, chacun peut y aller de son interprétation.
Quelle sera la décision de la Cour de justice ? Il est encore trop tôt pour le dire. Mais lorsque plusieurs textes législatifs se croisent, une hiérarchie doit être établie et dans ce cas, le règlement REACH, vu son importance dans le domaine de la santé publique, va sans doute prévaloir sur le règlement cosmétique.

Faut-il alors condamner ce nouveau règlement en raison de son incapacité à tenir ses promesses ? Il faut au contraire se réjouir qu’un texte novateur ait pu aller au bout de son processus. Qu’il soit attaqué par les industries était attendu. Il semble aussi momentanément neutralisé et vidé de sa substance. Et alors ? Ce n’est certainement pas le moment de baisser les bras. Agir ainsi serait ouvrir une voie royale à tout ceux qui oeuvrent pour le maintient des expériences sur animaux, considérées comme utiles pour démontrer l’innocuité d’une substance dangereuse et qui leur permet de se protéger de toute mise en cause lors d’une atteinte à la santé des consommateurs.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Link : Directive 76/768/CEE du Conseil du 27 juillet 1976 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux produits cosmétiques (directive «Cosmétiques»)

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Situation des cosmétiques dans l’UE en bref

La législation européenne interdit sur le territoire des Etats membres de l’UE, la commercialisation de tout produit cosmétique pour lesquels des tests sur les animaux ont été exécutés à partir du 11 mars 2013. L’interdiction s’applique également aux substances composant le produit, quel que soit le pays dans lequel les tests sur les animaux ont été pratiqués.

Tous les tests sur les animaux pour les cosmétiques ont-ils pu être remplacés ?

Non, il reste trois tests pour lesquels aucune méthode de remplacement n’est encore disponible. Il s’agit des tests de toxicité des doses répétées, de toxicité pour la reproduction et de toxico-cinétique.

Les cosmétiques vendus dans l’UE seront-ils moins sûrs pour la santé ?

Non, une substance qui n’aura pas pu démontrer son innocuité ne sera tout simplement pas autorisée à entrer dans la composition d’un produit.
Par le fait que de nombreux tests sur les animaux n’apportent que des données estimatives sur le potentiel toxique d’une substance, le recours exclusif à des tests in vitro ou in silico plus sûrs, assurera au contraire une meilleure sécurité pour les consommateurs.

Qui contrôlera que l’interdiction est bien respectée ?

Le règlement sur les cosmétiques impose à la «personne responsable» de garantir le respect des dispositions légales. Il impose aussi aux autorités compétentes de prendre toutes les mesures appropriées pour garantir le respect de ces dispositions et exige des États membres qu’ils appliquent des sanctions effectives, proportionnées et dissuasives en cas de violation desdites dispositions.

Comment les autorités pourront savoir si une substance a été testée ou non sur des animaux ?

Le dossier d’information sur le produit est la principale source de contrôle. Ce dossier doit contenir «les données relatives aux expérimentations animales réalisées par le fabricant ses agents ou fournisseurs et relatives au développement ou à l’évaluation de la sécurité du produit cosmétique ou de ses ingrédients, y compris toute expérimentation animale réalisée pour satisfaire aux exigences législatives ou réglementaires de pays tiers».
Il doit aussi reprendre le rapport sur la sécurité du produit qui doit inclure des données sur le profil toxicologique des substances et en indiquer clairement les sources. A partir de ces informations, les autorités compétentes pourront déterminer si l’évaluation de la sécurité du produit s’appuie sur des données issues de l’expérimentation animale.

Les cosmétiques commercialisés au sein de l’UE à partir de 2013 seront-ils garantis sans expérimentation animale ?

Non. Il faudra attendre un certain temps pour que tous les Etats mettent en place ces nouvelles dispositions, bien qu’ils soient tenus de le faire dés le 11 juillet 2013.
Ensuite, ces nouvelles dispositions ne s’appliquent qu’aux nouvelles substances produites à des fins cosmétiques. Tous les produits et ingrédients testés sur les animaux avant 2013 continueront à être commercialisés, sans distinction possible pour le consommateur.
Enfin, il sera vraisemblablement toujours possible d’inclure une substance testée sur les animaux, si ces tests n’ont pas été effectués exclusivement à des fins cosmétiques. Cette exception concerne en fait une grande partie des substances composant un produit. Ces substances sont généralement également développées à des fins médicales, alimentaires ou industrielles. Cette possibilité dépendra de la décision de la Cour de justice de l’UE qui devra se prononcer sur l’application du règlement.

Comment s’assurer que le produit cosmétique que j’achète n’a pas fait l’objet de tests sur les animaux ?

Il existe des marques de cosmétiques qui renoncent totalement à pratiquer des tests sur les animaux. Ces marques, labellisées HCS en Europe, acceptent d’être auditées par un organisme indépendant qui contrôle l’origine et les fournisseurs des substances entrant dans la composition de leurs produits.
Les simples déclarations d’intention des fabricants de cosmétiques sont souvent mensongères et incontrôlables. Pour ces raisons, la LSCV encourage l’achat de produits labellisés HCS, tant que la situation européenne et suisse n’offrira aucune garantie quant à l’absence réelle de tests sur les animaux pour la production des cosmétiques.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

A propos du règlement de l’UE sur les cosmétiques

Le règlement (CE) n°1223/2009 sur les cosmétiques, abroge et remplace la directive 76/768/CEE. Il contient les mêmes dispositions qui sont directement applicables dans tous les États membres à partir du 11 juillet 2013.

A la différence d’une directive, un règlement fixe des règles claires et détaillées ne laissant aux États membres aucune possibilité de transposition divergente. Un règlement garantit également que les dispositions juridiques sont mises en œuvre au même moment dans l’ensemble de l’UE.

Selon le règlement 1223/2009, l’expérimentation animale doit être remplacée par des méthodes alternatives. Il interdit la réalisation d’expérimentations animales dans l’Union européenne pour:

1) des produits finis,
2) des ingrédients ou des combinaisons d’ingrédients.

Le règlement interdit également la mise sur le marché de l’Union européenne:

1) des produits dont la formulation finale a fait l’objet d’une expérimentation animale;
2) des produits contenant des ingrédients ou combinaisons d’ingrédients, qui ont fait l’objet d’une expérimentation animale.

Dans des circonstances exceptionnelles, un État membre peut demander à la Commission d’accorder une dérogation, après consultation du comité scientifique pour la sécurité des consommateurs (CSSC), pour un ingrédient largement utilisé et qui ne peut être remplacé.