La marque suisse végétalienne New Roots est née en 2015 à Thoune. Depuis, l’ascension de la start-up est fulgurante. Elle fabrique 150’000 produits par mois, et sa croissance annuelle est de 100 à 150%. Le tout garanti sans souffrance ni exploitation animale. Rencontre avec la cofondatrice, Alice Fauconnet.

Qu’est ce qui vous a motivée à vous lancer dans la production de fromage végétal ?
Alice Fauconnet : J’ai étudié l’anthropologie sociale, et mon collègue, Freddy Hunziker, a appris le métier de polymécanicien. Nous sommes tous les deux devenus véganes pour des raisons éthiques en 2013. Freddy étant suisse, et moi française, ce qui nous manquait le plus était naturellement le fromage ! Quand Freddy s’est blessé lors d’une coupe du monde de downhill (vélo de descente), il avait beaucoup de temps de libre, et s’est lancé dans des tests de fromages végétaux, qui, au départ, n’étaient que pour nous. Puis, nos ami•e•s ont commencé à nous passer commande, et à nous conseiller de les vendre sur le marché bio de Thoune. C’est à partir du succès que nos produits ont rencontré sur ce marché que nous nous avons compris qu’il y avait une forte demande de fromages végétaux artisanaux, et que nous avons décidé de nous lancer. Je n’aurais jamais espéré un tel succès. Pour nous, c’était avant tout une façon de parler des droits des animaux, et plus particulièrement des problèmes éthiques et écologiques liés à l’industrie laitière.

Pensez-vous que votre réussite inspirera d’autres start-ups végétaliennes ?
J’espère vraiment que nous inspirerons d’autres personnes à lancer des entreprise véganes, si possible avec un message de droit des animaux, ce que je trouve bien trop rare. J’espère pouvoir donner un exemple au niveau éthique plus que capitaliste. On nous a souvent dit de ne pas parler de droit des animaux, car cela effraierait le public et ferait du mal à l’image de notre marque. J’espère prouver avec notre succès que respecter nos engagements et notre philosophie ne se traduit pas par un échec commercial.


En 2019, New Roots générait déjà un chiffre d’affaires annuel de 2,8 millions de francs, passant de 2 à 35 employé•e•s. En 2022, où en êtes-vous ?
Notre plus grand projet est la construction d’une nouvelle usine de production à Oberdiessbach (BE), 100% auto-suffisante par rapport à nos besoins en énergie, fonctionnant sans énergie fossile. Nous avons la place d’accueillir des restaurants, organismes gouvernementaux ou écoles, pour expliquer notre histoire et notre démarche dans une volonté éducationnelle. Et à travers notre projet de travailler avec des ingrédients locaux, nous avons agrandi notre département de recherche et développement. L’équipe s’étoffe régulièrement, pour la production, la recherche ou le marketing. Nous avons la chance immense de travailler avec des personnes exceptionnelles qui partagent nos valeurs et notre volonté d’inventer des traditions plus éthiques et durables.

Pour 1 kilo de fromage, il faut 10 litres de lait de vache. Pour 1 kilo d’alternative, il ne faut que 500 grammes de noix de cajou. L’écologie attire-t-elle aussi des client•e•s ?
C’est difficile à dire exactement, mais nous savons qu’environ 30% de nos client•e•s sont véganes. Ce qui veut dire que les 70% restants sont un mix de personnes qui ne mangent pas de produits laitiers par souci environnemental, de santé ou pour cause d’intolérances.

Fromage frais, camembert, tomme, fondue, bientôt raclette… Jusqu’où irez-vous ?!
Le plus loin possible ! Le but est de réinventer un maximum de produits pour donner le plus d’alternatives possibles, pas uniquement au fromage, mais à la crèmerie en général. Nous avons lancé une crème fraîche et des yaourts, et comptons lancer plus de produits de cette nature. Nous voulons honorer les traditions fromagères et laitières en les réinventant de manière éthique et écologique.

Aujourd’hui, New Roots livre ses produits en Europe. Et bientôt dans le monde entier ?
Nous avons certes connue une croissance rapide en Suisse et dans le reste de l’Europe, mais il reste important pour nous de faire les choses à notre rythme, et ainsi, de pouvoir garder le contrôle sur la qualité des produits, la provenance des ingrédients, les questions de droits des humain•e•s et des animaux, et le message que l’on partage. Donc le reste du monde, c’est pour quand on sera prêt•e•s, et quand la bonne occasion se présentera.

On entend souvent que les noix de cajou ne sont pas écologiques ni éthiques, car parfois ramassées par des indiennes qui s’abiment les mains, que réponds-tu à cette critique ?
Il y a en effet des problèmes éthiques avec la production de noix de cajou, c’est pourquoi nous avons sélectionné nos deux fermes partenaires avec beaucoup de rigueur. Nous ne travaillons qu’avec des producteurs et productrices qui ont automatisé le processus d’ouverture des noix, cela évite le risque de brûlures. Nous travaillons aussi avec des fermes qui n’utilisent pas d’animaux, notamment pour transporter les noix. Ces deux fermes sont soumises à des contrôles rigoureux des conditions de travail et de compensations de leurs employé•e•s. La ferme au Burkina Faso est certifiée commerce équitable.

On entend dire que les substituts et produits transformés ne sont pas meilleurs pour la santé, car soit-disant plus gras ou salé. Qu’en est-il pour vos produits, comparé à un fromage de lait de vache ?
Nous ne faisons pas de déclarations publiques sur le thème de la santé, parce qu’aucun•e d’entre nous à New Roots n’est spécialiste. Mais nos produits ont en moyenne la même quantité de matières grasses que leur analogues, sauf que ce sont des matières grasses non-saturées, végétales, donc naturellement sans cholestérol. Nos yaourts contiennent moins de sucres que leurs analogues, et nous n’utilisons que du sucre non raffiné. Pareil pour le sel, nous sommes un tout petit peu en dessous que les fromages d’origine animale. Je trouve difficile de débattre de questions de santé quand pour moi le véganisme est justement une démarche qui nous apprend à penser aux autres avant nous-même.

On vous reproche parfois d’être concurrents de l’agriculture locale, que répondez-vous ?
A partir du moment où l’on reproche à une industrie de poser des problèmes moraux et écologiques, et que l’on propose une alternative, nous rentrons forcément dans une dynamique de concurrence, qu’on le veuille ou non. Ce qui est important pour nous, c’est que les gens comprennent que ce n’est pas une attaque personnelle envers les agriculteurs-trices, mais une volonté générale d’inventer des traditions meilleures pour tout le monde. Nous espérons que notre démarche de collaboration avec des fermes suisses, qui font pousser des ingrédients qui composent nos produits, est un témoignage de bonne foi envers les agriculteurs-trices suisses. Mais je pense qu’il faut avoir le courage de ne pas avoir peur du changement.

Le secteur laitier a d’ailleurs engagé une procédure juridique contre vous, pourquoi ?
Nous avons été le sujet de plusieurs procédures juridiques de la part du secteur laitier. En ce moment c’est parce qu’on utilise des mots tels que “lait” ou “fromages” sur nos réseaux sociaux et site internet.

Vous avez lancé en 2021 un projet de culture avec des agriculteurs locaux qui cultivent du lupin, des pois chiches ou du chanvre pour l’entreprise, pouvez-vous nous en dire plus ?
Nous sommes au tout début de ce projet. Notre but est d’aider les agriculteurs-trices suisses qui le souhaitent à faire la transition de l’élevage vers la culture d’ingrédients bio, avec lesquels nous fabriquons ensuite nos produits. Ce serait une manière pour nous de fermer la chaine de valeur en Suisse, réduire considérablement le transport des ingrédients, avoir une meilleure traçabilité, et participer à un changement concret du paysage laitier suisse.

Et New Roots soutient des projets éthiques…
Notre reversons 1% de nos ventes totales à des organisations qui défendent les droits des animaux. Nous soutenons le sanctuaire Co&xister, et parrainons aussi deux vaches : Xenia au sanctuaire Bruffhof, et Lotti à KuhErde. Plus nos ventes augmentent, et plus nous aimerions pouvoir soutenir de projets !

Comment voyez-vous l’évolution du véganisme et des droits des animaux dans 10 ans ?
J’espère vraiment que de plus en plus de gens vont prendre conscience du fait que nos choix font des victimes, et que nous avons une responsabilité en tant que consommateurs-trices. J’espère que des changements verront le jour au niveau gouvernemental et des multinationales, qui ont malheureusement énormément de pouvoir.

 

 

Plus d’infos sur New Roots : https://www.newroots.ch/fr/

Facebook : https://www.facebook.com/newrootscreamery

Instagram : https://www.instagram.com/new__roots/

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