L’émission Forum du 12 janvier 2023 abordait la question des rats à New York. Les rats utilisés dans les laboratoires en Suisse ont également été évoqués. La LSCV a réagi dans une lettre ouverte à certains propos clairement erronés, voire mensongers.

A la minute 48’08, le présentateur, Renaud Malik, dit : « Il y a un petit paradoxe, car on sait que dans nos laboratoires, les rats ne peuvent pas être traités de n’importe quelle manière, il y a un protocole et des règles assez strictes, mais pour les rats des villes, là, on peut s’y donner à cœur joie, si on ose dire, n’est ce pas un peu étonnant ? ». Ce à quoi Joëlle Salomon-Cavin – géographe et auteure du nouveau livre “Indésirables!? Les animaux mal-aimés de la ville” – répond : « Oui, c’est étonnant, un paradoxe incroyable, […] la différence entre le cadre légal concernant les rats de laboratoires, qui ne doivent pas être soumis au stress, c’est toujours la même personne qui doit s’en occuper, et une fois les tests sur eux finis, ils sont relogés [le présentateur confirme], proposés à l’adoption, pour qu’ils finissent bien leur vie, alors qu’un rat d’égout, on peut le zigouiller sans autre. C’est un paradoxe d’imaginer que pour la même espèce il y ait des traitements aussi différenciés ».

> NON, les rats ne vivent pas une vie paisible et sans stress dans les laboratoires suisses

En 2021, 49’976 rats ont subi des expériences dans les laboratoires. Parmi eux, 7’770 individus ont subi des expériences de degré 2, et 1’078 de degré 3.

Pour rappel, le degré de gravité 2 correspond à une contrainte dite moyenne, telle que :

  • interventions sur des animaux qui occasionnent des douleurs ou dommages de degré moyen et de courte durée / légers et de durée moyenne à longue / une anxiété moyenne de courte durée / une perturbation importante de durée courte à moyenne de leur bien-être général
  • interventions chirurgicales comme la castration des femelles ou la pose d’implants sur un appareil locomoteur intact

Le degré de gravité 3 correspond quant à lui à une contrainte sévère, telle que :

  • transplantation de tumeurs agressives sur des animaux pour étudier le développement de la tumeur ou de la transplantation d’articulations ou d’organes,
  • interventions et manipulations sur des animaux qui occasionnent des douleurs d’intensité moyenne à élevée de durée moyenne à longue / des maux d’intensité moyenne à grande de longue durée / des dommages importants / des dommages de gravité moyenne de durée moyenne à longue / une grande anxiété de longue durée / une perturbation importante de leur bien-être général.

Si l’on compte tous les rongeurs, 420’000 individus ont été utilisés en 2021, dont 369’436 souris

La Conseillère aux États Maya Graf rappelait par ailleurs récemment dans une motion que si environ 550’000 animaux sont utilisés chaque année, ce sont deux à trois fois plus d’individus qui sont élevés, importés, et détenus. Selon elle, en 2020, 150 animaleries ont élevé et importé près de 1,3 million d’animaux, dont presque 80% de souris, en grande partie génétiquement modifiées. Cinq fois plus de souris que nécessaire pour les expériences ont été produites. N’ayant pas le bon sexe ou les modifications génétiques recherchées, la plupart sont euthanasiées, souvent par inhalation de CO2.

Elle dénonce un gaspillage de vies animales, car tout juste 20% des souris génétiquement modifiées et à peine 5% des poissons ont les caractéristiques requises pour les expériences. Selon elle, les principes 3R sont inscrits dans la loi depuis plus de 30 ans, mais semblent ne pas avoir d’influence sur le nombre d’animaux excédentaires.

> NON, les rats ne meurent pas sans souffrance en Suisse

Le gazage au dioxyde de carbone est utilisé dans le monde entier sur un grand nombre d’animaux et est controversé du point de vue du bien-être animal. Même l’OSAV encourage sur son site internet la recherche d’alternatives qui ménagent les animaux, et rappelle les inconvénients du dioxyde de carbone pour l’animal, car le CO2 irrite les voies respiratoires lorsqu’il est inhalé à des concentrations élevées et déclenche très rapidement des douleurs, de la détresse respiratoire et de l’anxiété chez les animaux concernés.

> NON, les rats ne sont DE LOIN pas tous adoptés après les expériences

L’adoption d’animaux de laboratoire concerne moins d’1% des individus. De toute façon, la majorité des rats utilisés dans les laboratoires meurent, car dans le cas des études sur les rongeurs, les animaux doivent généralement être tués à la fin de l’expérience, par exemple pour pouvoir examiner les organes.

Pour être très précis, le projet d’adoption a débuté en Suisse en 2018 avec l‘Université de Zurich, en partenariat avec la PSA. Le programme d’encouragement au placement a permis à 300 rats qui n’ont pas été génétiquement modifiés et/ou utilisés dans des expériences causant des contraintes moyennes à sévères (degrés 2 ou 3) d’être placés. L’EPFL a aussi permis l’adoption de 43 rats en mai 2022 et espère reloger une centaine de rats par an.

Seuls quelques individus ont donc été adoptés sur les 50’000 utilisés chaque année dans les laboratoires suisses, bien loin de vos propos, qui laissent penser qu’ils le sont tous automatiquement. Si l’on extrapole à 400 rats adoptés par année (dans le meilleur des cas), cela fait seulement 0.8% des animaux relogés.

A noter que comme les animaux génétiquement modifiés et ceux qui ont subi des contraintes moyennes à sévères ne sont pas autorisés à être replacés (au vu des exigences légales), il reste assez peu d’animaux pouvant être placés dans des ménages privés.

> Les rats sont des animaux sensibles et intelligents

De nombreuses études ont montré que les rats sont des animaux particulièrement empathiques, désireux d’aider leurs congénères dans la détresse, même s’ils ne doivent en tirer aucun bénéfice. Les rats savent même rire dans des situations joyeuses, de jeu ou lorsqu’on les chatouille, et rient également quand un autre rat est chatouillé devant eux.

Les rats sont victimes de nombreux mythes et idées reçues, comme celle de la saleté, alors qu’ils sont extrêmement propres lorsque leur environnement leur permet, se toilettent entre eux. Ils font aussi preuve de coopération et se rendent des services. Ce sont des animaux très sociaux, qui vivent souvent en famille.

Les invité·e·s confirment presque tous aussi, d’ailleurs, que le rat possède de nombreuses qualités. A la minute 37’25, Joëlle Salomon-Cavin admet que l’on peut « admirer son intelligence ».

A 39’11, Julien Perrot, rédacteur en chef de la Salamandre, explique que cet animal « nous ressemble beaucoup, c’est un mammifère, un animal extrêmement intelligent, extrêmement adaptable, doué pour la vie en société, pour la collaboration… ». A 45’44 il ajoute même qu’il les « admire parce qu’ils sont sacrément résilients, il n’y a pas beaucoup d’animaux comme cela qui arrivent à suivre l’homme et résister à l’homme ».

Et à la minute 48’28 de l’émission, Alain Jaquet, zoologue et désinfestateur, parle de « lutte indispensable contre les rats », qu’il mène « sans états d’âme », tout en admettant que cela n’est « pas évident car les rats sont  intelligents, les plus forts ne se font jamais prendre ».

Retrouvez toutes les sources et la lettre ouverte envoyée aux journalistes de l’émission ici.