La LSCV fait partie de la Coalition animaliste (COA), créée en 2019. Sa mission : contribuer à l’émergence d’une société suisse libérée de l’exploitation animale et cohabitant plus justement avec les animaux sentients. Interview de Catherine Santoru, fondatrice de ce groupe transpartisan, composé d’organisations, de militant·e·s de la cause animale et de politicien·ne·s.

Quel a été ton parcours militant ?

Je me suis toujours sentie concernée par les injustices. Avant mes 45 ans, je n’avais toutefois jamais milité. A cet âge, j’ai pris conscience de ce que subissaient les animaux dans notre société et dans le monde. Je me suis demandé comment j’avais pu contribuer au fonctionnement d’un système aussi violent et maltraitant envers les autres animaux. J’ai rapidement tendu vers le végétarisme, puis le véganisme. J’ai également compris que j’avais longtemps été trompée par des discours officiels complaisants voire fallacieux, sur les besoins alimentaires humains, la sensibilité et les capacités cognitives des animaux et, surtout, la réalité des animaux dans les élevages et les abattoirs. Après avoir ouvert les yeux sur cette horrible réalité, il ne m’a plus été possible de vivre sereinement sans agir. Je me suis rapprochée des organisations militantes antispécistes de Suisse et de France, dont les responsables avaient déjà empoigné cette question bien avant moi. Je me suis alliée avec des personnes actives dans ma région. J’ai créé la page « Oui à la cohabitation, non à l’exploitation ». Le succès rencontré m’a donné envie de poursuivre. J’ai alors fondé la Coalition animaliste (COA).

Comment est née l’idée de la COA ?

Après avoir participé à des actions militantes, j’ai estimé qu’il était nécessaire de créer des liens entre le monde politique et le monde militant à orientation antispéciste et abolitionniste. Ce besoin s’est accentué lors qu’il y a eu des caillassage de boucheries à Genève, puis à Nyon. Les auteurs et autrices anonymes avaient alors publiquement indiqué dans un communiqué vouloir viser le monde politique. Comme il n’y avait pas encore eu d’interpellations écrites ou orales du monde politique sur les questions du spécisme, j’ai estimé qu’il y avait un réel manque qu’il fallait combler. C’est à ce moment-là, en 2018, que nous avons commencé à démarcher les gouvernements romands, en commençant par Genève. Il s’agissait de présenter le mouvement de libération animale, notamment son origine, sa cohérence et ses effets bénéfiques pour la société. Si l’on souhaite des changements en profondeur, il est prioritaire d’agir auprès de la population au sens large, mais également auprès des décideuses et décideurs, car elles et ils ont plus de poids. Sinon, il y a un risque que la lutte demeure marginale.

Comment s’organise l’action de la COA ?

Nous avons opté pour une approche globale du spécisme et de l’exploitation animale. C’est pour cela que notre action se décline dans de nombreux domaines : santé, sport, alimentation, agriculture, économie, culture, commerce, formation, recherche, ou gestion de l’environnement et du territoire. Cela touche également au statut juridique des animaux et au cadre législatif qui les protège ou qui cautionne leur maltraitance, ainsi que leur exploitation. La COA vise une transformation progressive de la société. Nos actions découlent de l’actualité ou de notre programme d’activité annuel, qui doit rester souple. Nous sommes une jeune association de bénévoles, avec très peu de moyens financiers, mais nous avançons à un rythme soutenu.

Sur quels projets travaille la COA ?

  • Nous travaillons actuellement sur plusieurs dossiers, par exemple :
  • Soutien à l’initiative contre l’élevage intensif,
  • Réduction de la consommation de produits d’origine animale,
  • Reconnaissance officielle en Suisse du régime végétalien complémenté en B12 à tous les stades de la vie,
  • Opposition aux projets de construction de nouveaux abattoirs en Suisse romande,
  • Dénonciation de formes illégales ou légales de maltraitance animale, comme l’envoi des femelles de rente gestantes à l’abattoir.

Notre site Internet sera lancé prochainement, permettant aux citoyen·ne·s de mieux nous connaître, devenir membre de la COA et nous soutenir. Nous avons surtout besoin de fonds et de nouvelles compétences humaines. En 2021, nous avons intégré au sein de la COA deux autres associations membres (Animae et ATRA). Nous avons aussi réussi à instaurer un esprit de cohésion et un climat de travail propice et bienveillant dans notre équipe.

Quelles sont les victoires de la COA ?

Nous avons rapidement été reçu·e·s par les gouvernements romands. La COA a bénéficié d’une certaine visibilité dans les médias, récolté des milliers de signatures lors du lancement de pétitions, créé un cercle de partenaires dans le monde politique romand et suisse. Nous avons mis en avant des candidat·e·s aux élections fédérales et cantonales sensibles à la cause animale, et créé des conditions favorables pour que des politicien·e·s de haut niveau s’affichent publiquement pour la première fois en tant qu’antispécistes. La COA a aussi participé au dépôt des premières interpellations parlementaires en Suisse dédiées à la lutte contre le spécisme et l’exploitation animale. Nous avons obtenu dans l’urgence le soutien de nombreuses organisations animalistes pour alerter les autorités sur le lien entre épizooties, pandémies de zoonoses et maltraitance envers les animaux durant la crise du COVID-19. Ce sont de modestes victoires, mais elles ont contribué à notre développement.

Quels freins ralentissent l’abolition de l’exploitation animale ?

On observe principalement des freins économiques, politiques, institutionnels et culturels, étroitement liés. Il y a bien sûr de fortes oppositions de la part des acteurs tirant financièrement profit de l’exploitation animale. Les gouvernements en place sont toujours dans le déni du spécisme et des problèmes faramineux qu’il engendre. Des partis politiques commencent à peine à intégrer l’éthique animale dans leur programme, alors que d’autres sont loin de prendre cette cause au sérieux, ou s’y opposent carrément. Cela bloque évidemment les évolutions dans les parlements, où l’on peine à obtenir des majorités lors du dépôt d’objets en faveur des animaux. L’organisation des institutions mériterait d’évoluer, y compris au niveau judiciaire. Et puis il y a le frein culturel, les habitudes séculaires, les mythes et les croyances fortement ancrées dans la population. Mais heureusement, la situation évolue un peu partout.

La politique peut-elle faire changer rapidement la situation pour les animaux ?

Rapidement, non. Et personne ne le peut. Une chose est certaine, la politique ne le peut pas aussi rapidement que l’économie, qui a le plus grand pouvoir de décision et d’action. On le voit avec l’évolution de l’offre de produits véganes sur les habitudes de consommation. Mais la politique est incontournable pour faire évoluer la condition des animaux. On n’a pas d’autre choix que de l’intégrer dans la stratégie du changement. Il faudrait idéalement agir simultanément auprès de tous les décideurs concernés. C’est pourquoi nous avons besoin de davantage de personnes qui s’engagent dans la lutte politique contre le spécisme et l’exploitation animale. Au niveau sociétal, on est encore dans la phase initiale et incontournable de la sensibilisation et de l’opposition. Raison pour laquelle nous devons pour l’instant nous contenter de petites améliorations pour les animaux. Et aussi faire preuve de beaucoup de patience, tout en ne lâchant rien.

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Plus d’infos : www.coanimaliste.ch